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Télétravail et travail hybride au cœur des enjeux du management de la qualité

Télétravail et travail hybride nécessitent de formaliser les pratiques dans un référentiel et de s’engager dans une démarche de certification pour assurer une amélioration continue de l’organisation du travail.

 

Le télétravail et le travail hybride sont devenus des enjeux cruciaux dans la gestion de la qualité en entreprise. Pour formaliser les bonnes pratiques et assurer une amélioration continue de l’organisation du travail, de nombreuses entreprises optent pour une démarche de certification ou de labellisation. Cette démarche s’appuie sur un référentiel et un dialogue social renforcé.

Bien que le télétravail puisse être mis en place par divers moyens, de nombreuses entreprises ont choisi de le formaliser dans un cadre collectif négocié, notamment par la signature d’accords d’entreprise. Cette pratique a connu un essor particulier après la crise sanitaire et sous l’impulsion de la négociation de l’ANI du 26 novembre 2020.

Ces accords intègrent les spécificités du télétravail et du travail hybride en tant qu’évolution des conditions d’organisation du travail. L’accord collectif, fruit du dialogue social en entreprise, définit le statut particulier du salarié-télétravailleur. Dans ce cadre normatif, le télétravailleur reste un salarié de l’entreprise faisant l’objet d’arrangements internes formalisés (« Accords d’entreprise et protection des droits des télétravailleurs », de Caroline Diard, Question(s) de management, 2020).

Les accords s’attachent à préciser plusieurs points clés, conformément à l’article L1222-9 du Code du travail. Ils définissent les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. Ils détaillent les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail, ainsi que les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail. Ils déterminent aussi les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail. Enfin, ils précisent les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

Lors de la préparation d’un accord relatif au télétravail, il s’agit de donner du sens à la mise en place du télétravail au regard du projet stratégique de l’entreprise et des attentes des salariés. Le télétravail doit être considéré comme un levier de transformation de l’organisation. C’est également un enjeu RH majeur, permettant une meilleure conciliation des temps personnels et professionnels. Cette formalisation s’accompagne d’un besoin de référencer les pratiques organisationnelles et managériales propres à chaque entreprise. Ces pratiques peuvent être détaillées dans des processus qui s’intègrent dans une politique globale de management de la qualité, elle-même détaillée dans un référentiel.

Télétravail et management de la qualité : une démarche contraignante mais constructive

Le management de la qualité implique un engagement fort de la direction et une appropriation par les collaborateurs. L’objectif est de garantir un niveau élevé de services aux clients de l’entreprise. Un système de management de la qualité efficace vise la satisfaction des clients et le respect des exigences réglementaires et normatives. Il s’agit de développer, maintenir et améliorer en continu les services rendus et les produits commercialisés. Pour y parvenir, l’entreprise définit une politique globale de qualité, la décline en objectifs mesurables et fournit les ressources nécessaires. Des audits qualité sont alors réalisés pour s’assurer de la conformité des pratiques, produits et services au référentiel choisi (« La boîte à outils de la qualité – 5e édition », de F. Gillet-Goinard et B. Seno, Éditeur Dunod, 2019).

Pendant longtemps, l’audit a été associé à des notions de contrôle, d’investigation et d’intrusion dans la vie de l’entreprise, voire dans sa bonne marche. De même, la gestion des normes est traditionnellement perçue comme contraignante. Cependant, l’audit est en réalité un instrument qui marque le début d’un processus conduisant à un diagnostic. Ce dernier sert de base à la recherche d’améliorations et à la mise en œuvre de recommandations bénéfiques pour l’entreprise. Bien que les normes portent des enjeux forts, assurent un niveau élevé de qualité et garantissent la conformité aux règles et lois en vigueur, elles sont parfois mal connues. Pourquoi alors s’engager dans une démarche de certification ou de labellisation contraignante ?

Il s’agit avant tout d’être en conformité avec les règles internes et externes de l’entreprise. L’objectif est d’éviter tout contentieux dans un premier temps et de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue dans un second temps. En matière d’amélioration continue, il existe une méthode graduelle où de petits changements contribuent de manière significative à la satisfaction des parties prenantes (clients et collaborateurs) et à l’optimisation des processus (réduction des coûts et des délais) : le Kaizen. Ce terme vient de la fusion de deux mots japonais : kai et zen, qui signifient respectivement « changement » et « meilleur ».

La démarche de certification sera la suivante :

  • Réaliser un état des lieux pour vérifier la conformité des process au regard du référentiel ;
  • Evaluer les risques encourus par l’entreprise en cas d’absence d’application des processus ;
  • Diagnostic les non conformités ;
  • Évaluer les causes d’écarts ;
  • Proposer des solutions pour corriger les anomalies rencontrées.

L’entreprise a recours à un audit pour faire vérifier et évaluer s’il existe un écart entre la situation actuelle de l’entreprise et des décisions et dispositions préétablies dans un référentiel. L’audit est donc un outil pour aider le pouvoir décisionnel de l’entreprise : en fournissant des constats, des analyses objectives, des recommandations et des commentaires utiles, et en faisant apparaître des risques de différentes natures (non-respect de textes réglementaires, inadéquation de la politique sociale aux attentes du personnel, l’inadéquation aux besoins des ressources humaines).

L’audit doit faire apparaître des dysfonctionnements ou des écarts entre les pratiques de l’entreprise et le référentiel, ou les normes adoptées par l’entreprise. La certification conduit à la mise en œuvre d’un système de pilotage qui correspond à l’agrégation d’indicateurs qui permettent de dégager l’information nécessaire à la prise de décision dans le cadre de l’amélioration continue.

Grâce à l’audit, l’équipe dirigeante dispose d’indicateurs qui lui permettent d’éviter certains risques ou contre-performances. Il peut s’agir, par exemple, de prévenir des risques de litiges avec certains salariés ou encore d’éviter une perte d’efficacité en cas de départ ou d’absence d’un responsable.

Un audit permet de mettre en lumière des dysfonctionnements, d’établir un diagnostic des causes d’écarts et de réfléchir à des évolutions organisationnelles pertinentes. L’hybridation peut faire partie de ces enjeux. Le déploiement doit tenir compte des contraintes normatives et s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de type Kaizen. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que l’audit reste une photographie de la situation et des pratiques de l’entreprise à un instant T.

Une démarche éclairante

Avec le déploiement du télétravail à partir de 2014 pour les salariés de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), Jérôme Friteau, Directeur des Relations Humaines et de la transformation de l’organisme, est en mesure de partager un retour d’expérience. Le télétravail est apparu comme un enjeu majeur du dialogue social et de la personnalisation de l’organisation du travail, avec en toile de fond la qualité de vie au travail et la conciliation entre vie privée et professionnelle.

La CNAV a opté pour une approche prudente dans le déploiement, l’accompagnement et l’ampleur du télétravail, une stratégie plus adaptée à un service public qu’à une entreprise du secteur des technologies. Avant la crise sanitaire, 35 % des salariés de la CNAV en Île-de-France et 15 % dans l’ensemble de la France pratiquaient déjà le télétravail, y compris ceux des Caisses d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT). Aujourd’hui, plus de 85 % des employés du groupe Assurance retraite travaillent à distance sur l’ensemble du territoire.

Historiquement, la CNAV proposait un jour de télétravail par semaine pour l’ensemble des salariés et deux jours pour les employés en back office (service d’appui). En 2023, un nouveau protocole a été négocié avec les instances représentatives du personnel à la Caisse nationale sur le principe de cent jours de télétravail possibles par an, avec des dérogations ciblées pour trois jours par semaine.

Pour Jérôme Friteau, il est indispensable de prendre en compte les différents temps et rythmes de vie des salariés. Qu’il s’agisse de parents de jeunes enfants, de femmes enceintes souhaitant préserver leur santé avant leur congé maternité, de seniors susceptibles de se fatiguer dans les transports en commun, de personnes en situation de handicap ou d’aidants familiaux, chacun a des besoins spécifiques. Dans ce contexte, il est crucial que les grandes entreprises développent des organisations flexibles pour conserver leur attractivité face à un fort besoin de liberté exprimé par les salariés, en particulier les plus jeunes, qui demeurent très attirés par l’entrepreneuriat.

Selon le DRH de la CNAV, le télétravail doit être raisonné. Il produit de nombreux effets positifs, tels qu’une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, une réduction de la fatigue (surtout pour les Franciliens, contraints de jongler entre temps de transport en commun et impératifs de sorties d’école, par exemple). Le télétravail favorise également le management par la confiance et l’autonomie, au contraire d’un management par les horaires et le présentéisme permanent, emblématique de nos organisations tayloristes.

Dans un service public, il faut toutefois garder une présence dans les territoires, avec des rendez-vous physiques, compte tenu d’une fracture numérique toujours d’actualité. C’est la raison pour laquelle Jérôme Friteau insiste sur la notion d’équilibre. Il est primordial de ne pas créer de fossé entre les salariés pouvant télétravailler et les autres, non seulement pour une question de justice sociale, mais aussi pour assurer le bon fonctionnement des collectifs de travail. Ainsi, la CNAV maintient du présentiel pour tous, afin de conserver le lien social et la capacité à travailler ensemble.

La créativité collective s’exprime beaucoup mieux en présentiel qu’en visioconférence. Nous avons tous besoin de moments communs, propices aux échanges informels, aux réunions spontanées autour de la machine à café ou aux pauses déjeuner partagées. Ces instants contribuent à consolider le sentiment d’appartenance à une équipe et à une entreprise. C’est pourquoi Jérôme Friteau défend un équilibre autour de deux ou trois jours maximum de télétravail par semaine, afin de préserver un minimum de deux à trois jours de présence sur site. Cet équilibre doit être pensé dans le respect du principe d’individualisation transparente et négociée dans le cadre d’un accord d’entreprise, afin d’éviter les arrangements au cas par cas.

“La labellisation ne se résume pas à valoriser la marque employeur”, explique Stéphane Thery, responsable des projets et des programmes de labellisation chez Incitu. “Elle permet aussi de reconnaître objectivement les efforts déployés par l’entreprise pour maintenir ses bonnes pratiques, tout en renforçant la fidélisation des salariés et l’attractivité du processus d’intégration. Il est par ailleurs primordial d’évaluer, d’analyser et d’optimiser régulièrement l’organisation du travail hybride et du télétravail afin de répondre aux attentes de toutes les parties prenantes.” Tout comme la certification, la labellisation constitue ainsi un outil précieux pour éviter les erreurs dans le pilotage stratégique des activités.

La démarche de labellisation WIWO (Work In Work Out) d’Incitu repose notamment sur un référentiel technique solide, élaboré à partir de sources multiples et documentées : études analytiques, enquêtes de terrain et accords collectifs portant sur la transformation numérique et les nouvelles organisations du travail.

Ce référentiel s’appuie sur un état des lieux méticuleux des pratiques actuelles, réalisé grâce à des entretiens avec des organismes, des salariés et des managers pratiquant le télétravail. Il intègre également les conclusions de rapports d’experts couvrant tous les aspects du télétravail : ressources humaines, conditions de travail, ergonomie, négociation collective, numérique, droit social et tiers-lieux. L’application de ce référentiel permet d’initier une véritable démarche qualité. Elle facilite la formalisation du travail hybride tout en renforçant le dialogue social au sein de l’entreprise.

La mise en œuvre d’un référentiel permet de s’engager dans une démarche qualité et accompagne la formalisation de l’hybridation. Bien que contraignante en apparence, la certification est une garantie de conformité à des contraintes réglementaires mais également à des process internes.

La labellisation permet de garantir la qualité du service rendu et donc la satisfaction client. Cela contribue également à une amélioration des conditions de travail hybride pour les salariés. Il peut s’agir également d’un outil de dialogue social en ce qui concerne les dimensions QVCT.