Propreté à l’usage : le Covid change-t-il la donne ?
La propreté à l'usage réel, bien que connue par les acteurs de l’hygiène dans le milieu tertiaire, restait jusqu’à présent un concept plutôt théorique. Mais avec le développement du flex office et la généralisation du télétravail, elle pourrait bien devenir une des priorités du moment pour les DET et, à terme, un enjeu stratégique. Guillaume Blanc, de MerciYanis, nous explique pourquoi.
Si elle faisait déjà partie des discussions entre prestataires de propreté et clients avant Covid, la propreté à l’usage n’avait, pour l’heure, pas encore beaucoup d’applications dans les bureaux. Mais cela pourrait bien changer, et rapidement. La propreté à l’usage consiste à nettoyer un espace seulement quand il en présente le besoin. Cette organisation s’oppose donc à une façon plus traditionnelle de nettoyer un espace en suivant un planning prédéfini. Les intérêts de cette méthode sont multiples.
En ces temps de Covid, le nettoyage à l’usage permet de désinfecter un poste entre deux sessions de travail et diminue ainsi le risque de contamination entre collaborateurs. Cette méthode permet aussi de délivrer un service optimal en se basant sur une utilisation réelle. L’exemple le plus marquant est probablement celui des sanitaires. En programmant une intervention une fois un seuil atteint, les entreprises diminuent le risque que la “pause technique” tourne au cauchemar. Sujet tabou mais d’importance lorsque l’on sait que 25 % des employés n’osent pas aller aux toilettes car les sanitaires ne sont pas assez propres… Enfin, en supprimant les interventions “inutiles”, un directeur de l’environnement de travail peut espérer voir le coût de ses contrats de propreté diminuer. Mais si cette façon de nettoyer a autant d’avantages, pourquoi était-elle si peu mise en place ?
Un manque de maturité du marché
Tout d’abord, avant le confinement, le télétravail n’était pas si courant. En effet, seulement 7 % des salariés français le pratiquaient au moins un jour par semaine. Les bureaux étaient fortement utilisés et les flux de population étaient donc assez simples à prédire. Par ailleurs, le nettoyage à l’usage impose un changement organisationnel pour les prestataires de propreté. Il les oblige à être agiles dans les plannings, ce qui peut représenter un réel casse-tête. Sans parler du business model, difficile à trouver. Avec un paiement à l’usage, un directeur de l’environnement de travail ne sait pas exactement combien vont lui coûter les prestations. De son côté, le prestataire, contraint par des frais fixes de masse salariale, doit lui aussi pouvoir trouver un “business model” adapté. C’est un sujet majeur car le monde de la propreté représente plus de 540 000 emplois.
De plus, capter les données d’utilisation des espaces en temps réel était une des conditions nécessaires pour faire du nettoyage à l’usage. Cependant, les moyens technologiques capables de collecter ces données manquaient de maturité, les capteurs IoT et les logiciels n’étant généralement qu’au stade de preuve de concept (PoC).
Enfin, un dernier obstacle : la transmission de l’information à l’agent de propreté. Cette information, dynamique de par sa nature, se devait d’être facile à comprendre et demandait le plus souvent l’achat de smartphones, augmentant l’enveloppe pour la mise en place de ce type de prestation. Un changement de paradigme à effectuer, des investissements onéreux et une incertitude sur le retour sur investissement ont eu raison du nettoyage à l’usage… Du moins jusqu’à l’année dernière.
Le Covid change la donne
Depuis mars 2020, la sécurité sanitaire a été mise sur le devant de la scène, y compris dans les entreprises. Les points de désinfection ont augmenté, tout comme la fréquence des passages. Le “quoi qu’il en coûte” a aussi trouvé écho auprès des entreprises : plusieurs directeurs de l’environnement de travail témoignent ainsi avoir doublé le budget de leurs contrats de propreté. Aussi, la pratique du télétravail qui s’est imposée pour des millions de Français a fait évoluer le rapport que nous entretenons avec notre lieu de travail. 89 % des membres interrogés dans une étude de l’Arseg envisagent ainsi de pérenniser le télétravail pour l’ensemble des collaborateurs 2 à 3 jours par semaine. Ces changements ne sont donc pas une mode, ils vont perdurer et obligent les entreprises à se poser des questions de fond.
Pour inciter les employés à revenir malgré un réveil plus matinal et des temps de transports plus longs, les entreprises doivent répondre à de nouvelles attentes. Il s’agit de proposer de nouveaux services aux collaborateurs afin de créer une expérience de vie au travail. On parle de plus en plus “d’hospitality” ; sans oublier bien sûr les nouveaux besoins opérationnels à satisfaire, comme assurer une sécurité sanitaire optimale en renforçant la fréquence et les points de désinfection.
Cette accélération du télétravail, couplée au déploiement des espaces en flex office, rend imprédictible les flux au sein de l’entreprise, ces derniers changeant d’un jour à l’autre. Plusieurs paramètres qui, mis bout à bout, ont permis à la propreté à l’usage de susciter à nouveau l’intérêt des donneurs d’ordres. En effet, le “retour sur investissement” semble plus facilement accessible, d’autant plus que start-ups et sociétés de service ont profité de cette période pour proposer des solutions plus innovantes et plus matures. On pense entre autres aux QR Codes, écrans à encre électronique ou encore voyants lumineux qui informent collaborateurs et acteurs de la propreté.
Une donnée précieuse à bien des égards
On l’a vu, la propreté à l’usage passe par l’installation de capteurs de présence ou de passage, qui indiquent les taux d’utilisation des espaces sur une plateforme. Si la prise en compte des nouveaux besoins liés au Covid facilite l’installation de ces dispositifs menant à la mise en place du nettoyage à l’usage, l’utilisation de ces données dans une approche globale maximise encore plus le retour sur investissement et pourrait permettre, à terme, aux directeurs de l’environnement de travail d’utiliser les données pour d’autres sujets stratégiques. Et de répondre aisni aux attentes des Comex. Car en connaissant mieux les usages dans leurs bâtiments, ils pourront optimiser les espaces et diminuer les contrats de location ou louer une partie de leurs locaux. Ils proposeront une gestion intelligente de la réservation des espaces, en rendant accessible un espace initialement réservé si personne n’est vraiment venu.
Par ailleurs, dans le prolongement de la loi Elan de réduction de la consommation énergétique, les directeurs de l’environnement de travail diminueront l’empreinte écologique de leur entreprise, par exemple en ne chauffant que les bureaux utilisés. Enfin, cette donnée pourra être exploitée pour d’autres services aux collaborateurs comme le calcul optimal du nombre de repas pour la cantine (moins de gâchis) ou encore pour informer l’employé du moment idéal pour aller se restaurer.
Afin d’exploiter au mieux ces données, elles devront être collectées dans une base qui centralise toutes les données issues de l’environnement de travail. Les solutions choisies devront donc être capables de transférer leurs données sur le système d’information de l’entreprise, on parle alors de systèmes qui disposent d’API (pour interface de programmation applicative). L’utilisation des technologies qui permettent ce nouveau type de prestation s’inscrit dans les tendances de fond que sont l’hospitality management et la création de bâtiments intelligents ou smart building. Pour réussir ce changement de paradigme, directions de l’environnement de travail, acteurs de la propreté et entreprises technologiques doivent travailler de concert. Chacun devra faire preuve d’agilité et s’y retrouver économiquement pour que l’équation puisse fonctionner… Les douze prochains mois devraient permettre de voir si cette méthode de travail reste marginale ou s’impose finalement comme la nouvelle norme en entreprise.
L'auteur
Guillaume Blanc est CEO et co-fondateur de MerciYanis, entreprise créée en 2019 par trois ingénieurs en informatique originaires d’Aveyron. Membre de l’IoT Valley à Toulouse et de l’accélérateur 50 Partners à Paris, elle développe une plateforme de gestion des incidents et de la propreté. Elle permet aux responsables de l’environnement de travail de diminuer les incidents dans les locaux pour délivrer une expérience collaborateur optimale.
Source : Workplace Magazine