Future of Work : éloge de la flexibilité… et d’une forme de statu quo (études)
Plusieurs études d’acteurs IT dressent un portrait concordant et nuancé de l’évolution du travail. Au-delà de la semaine hybride, la flexibilité des horaires semble être le remède à la « Grande Démission », qui se transformerait par ailleurs en « Grande Déception ».
Les études sur le « Future of Work » – l’organisation du monde du travail de demain sous l’influence des nouvelles technologies et des nouvelles demandes des employés – se multiplient dans le monde de l’² B2B. Le portrait qui en ressort est à la fois concordant et nuancé.
Pour fidéliser les talents : des horaires vraiment flexibles
Alors que récemment, une étude Microsoft montrait que les employés étaient très demandeurs de travail à distance (alors que les dirigeants beaucoup moins), une étude de Slack montre que la flexibilité, en matière d’horaires, jouerait encore plus sur la fidélisation des employés que la flexibilité, en matière de lieu de travail.
L’enquête (Future Forum Pulse) menée sur plus de 10 000 actifs aux États-Unis, en Australie, en France, en Allemagne, au Japon et au Royaume-Uni indique que les politiques strictes de retour au bureau ont un impact négatif sur l’expérience collaborateur, et qu’elles génèrent même de l’attrition. « Les salariés qui n’ont pas (ou peu) la liberté d’aménager leurs horaires de travail sont 2,6 fois plus susceptibles de chercher un nouvel emploi au cours de l’année, par rapport à ceux qui bénéficient de cette flexibilité », chiffre le rapport.
En France, le modèle hybride serait par ailleurs devenu la norme : même si 23 % des employés aimeraient encore travailler au bureau 5 jours par semaine, ils sont 31 % à préférer y revenir 3 à 4 jours, 28 % 1 à 2 jours, 12 % quelques jours par mois, et 5 % passer au 100 % télétravail.
Reste que dans le monde, plus d’un tiers des salariés (34 %) travailleraient de nouveau aujourd’hui en présentiel cinq jours par semaine. Conséquence, le ressenti des employés a chuté, avec une dégradation de 28 % des indicateurs de stress et d’anxiété liés au travail et un recul de 17 % des résultats concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (par rapport au trimestre précédent).
Les dirigeants risquent de subir de plein fouet ce mécontentement, avertit l’étude. « Les dirigeants doivent cesser d’imposer des journées de travail avec des horaires rigides de 9 h à 17 h, et plutôt œuvrer à rassembler leurs équipes autour d’un objectif commun et donner l’exemple », invite Brian Elliott Directeur exécutif, Future Forum (le consortium co-fondé par Slack, BCG et MillerKnoll et MLT). « Vous obtiendrez de meilleurs résultats et vos salariés seront plus épanouis si vous leur offrez la possibilité de travailler où et quand cela leur convient le mieux ».
La semaine de quatre jours plébiscitée. Oui, mais… (ADP)
L’enquête « People at Work 2022 : l’étude Workforce View » d’ADP (éditeur de gestion de la paie et de SIRH) arrive à une conclusion concordante : 64 % des salariés français souhaiteraient bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires, avec la possibilité de les condenser sur une semaine de 4 jours (+4 % par rapport à la même étude en 2019).
ADP estime que 27 % des collaborateurs seraient même prêts à accepter une baisse de rémunération en contrepartie de cette flexibilité de leurs horaires.
Pourtant, seuls 19 % des entreprises ont mis place un accord de travail flexible, et 5 % d’entre elles ont adopté la semaine de 4 jours. « Le retour au bureau a parfois été synonyme de retour à des anciens modes de travail : fin de la possibilité de télétravailler, contrôle accru des équipes par le management avec des entreprises qui peinent à mettre en place une politique du travail flexible durable », constate ADP.
Tout comme Slack, ADP avertit les décideurs. « Depuis la pandémie, la liste des attentes des collaborateurs pour leur environnement de travail est en constante évolution : nous savions que le salaire et la sécurité de l’emploi étaient des facteurs de motivation essentiels, ils sont rejoints désormais par la flexibilité », synthétise Carlos Fontelas De Carvalho, président d’ADP en France et en Suisse. « Certes, les salariés français sont essentiellement satisfaits de leur emploi actuel, mais le fait qu’une majorité ait réfléchi à un changement radical de carrière doit nous interpeller et pousser les employeurs à réfléchir aux meilleurs modèles pour leurs organisations ».
De fait, ce sont près de 57 % des salariés français (dont 72 % de ceux âgés de 18-34 ans !) qui ont envisagé de changer d’emploi au cours de l’année écoulée.
ADP modère néanmoins l’aspiration à la semaine de quatre jours, qui revient à travailler plus intensément et pas moins. « Il faut rester vigilant face au risque d’épuisement des salariés et avoir conscience que ce type de modèle n’est pas adapté à toutes les entreprises », invite Carlos Fontelas De Carvalho. « En fait, c’est toute la question de l’organisation et du temps de travail sur site ou à distance qui doit être étudiée, pour répondre aux attentes des collaborateurs en termes d’équilibre travail/vie privée, de sens du travail et de lien social ».
« Le travail hybride, lorsqu’il est possible, peut répondre en partie à ces attentes – tout comme des plages de travail flexibles ou des horaires adaptés – à condition que l’entreprise soit équipée des bons outils pour mesurer l’activité », conclut le dirigeant.
La grande démission à la française : un employé sur cinq cherche un nouveau job
Le fabricant de hardware pour le travail à distance et hybride, Owl Labs arrive peu ou prou à la même conclusion dans une étude auprès de 2 000 travailleurs français à temps plein.
Deux chiffres clefs ressortent de ce rapport.
Le premier est qu’un tiers (32 %) des travailleurs refuseraient aujourd’hui un emploi sans flexibilité des horaires. Ce qui fait dire au constructeur (comme Slack) que « le travail flexible remplace le travail hybride ».
Le deuxième complète l’évaluation d’ADP sur les salariés qui auraient envisagé de partir. Pour Owl Labs, la « grande démission » (« Great resignation ») à la française se traduit par le fait que plus d’un employé sur cinq (22 %) rechercherait activement de nouvelles opportunités d’emploi.
Reste que ces envies d’ailleurs de beaucoup de salariés commencent à se confronter à la réalité. Une autre étude de UKG (Ultimate Kronos Group, qui a racheté PeopleDoc en France) portant sur le phénomène de « Great Resignation » en France et dans 5 autres pays (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, États-Unis et Mexique) montre que 60 % des Français qui ont récemment démissionné le regretteraient.
De la Grande Démission à la Grande Déception ?
Ce rapport – « Rester, Partir ou Revenir » – constate même un début de retour des démissionnaires vers le poste qu’ils ont quitté (quand les entreprises sont prêtes à les réembaucher – lire ci-après). Ce que UKG nomme « l’effet boomerang ».
Plus précisément, parmi les Français qui ont démissionné depuis le début de la pandémie, près de la moitié (49 %) ont décidé de démissionner une deuxième fois de leur nouveau poste, soit plus de deux fois le taux des autres pays européens interrogés (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas). Et parmi tous les démissionnaires, près d’une personne sur cinq serait déjà retournée à l’emploi qu’elle avait quitté. Quant à celles qui n’ont pas encore repris leur ancien emploi, 41 % l’envisageraient si elles en avaient la possibilité, évalue UKG.
Oui, mais voilà : la possibilité, en France, n’est pas si évidente que cela. Le taux de retour aux anciens postes y est le plus faible des six pays étudiés par l’éditeur de SIRH. « Les managers français sont les moins enclins à envisager le réembauchage des ex-employés », révèle UKG.
Mais, avertit l’éditeur, ce début de grande déception ne doit pas inciter les employeurs à ne rien faire. Au contraire, « les dirigeants préfèrent garder leurs bons éléments sans interruption. […] Il faut donc continuer à renforcer la confiance entre les managers et les employés [N.D.R. : le management est un des premiers motifs de démission en France, selon l’étude] en menant des entretiens individuels et des discussions de carrière percutantes, et en organisant des “stay interviews” pour demander pourquoi les collaborateurs heureux restent, avant qu’il ne soit trop tard », conseille fortement Chris Mullen, directeur exécutif de The Workforce Institute chez UKG.
Source : LeMagIt