Et vous ne devinerez jamais ce qui manque le plus aux salariés en télétravail
Atlantico : De nos jours, et plus particulièrement depuis la pandémie de Covid-19, le télétravail fait partie de notre vie quotidienneUne étude “The power of proximity to coworkers : Training for tomorrow or productivity today ?” s’est intéressée au lien entre productivité et télétravail. Quelles sont ses conclusions sur les effets sur la productivité, notamment pour les plus jeunes travailleurs
Caroline Diard : Effectivement, avant la pandémie, on observait un taux de télétravail de moins de 30%. Depuis le début de la crise sanitaire de 2020, le télétravail s’est imposé. Fin 2021, 38% des salariés du secteur privé pratiquent le télétravail (2) (vs 34% fin 2020, 41% en mai 2020, et 30% fin 2019). (baromètre Malakoff Humanis février 2022).
L’étude publiée en 2023 s’intéresse à une population d’ingénieurs. Les résultats ne peuvent donc pas être généralisés car il s’agit d’une typologie très particulière de salariés. En effet, les ingénieurs ont été parmi les premières populations “éligibles” au télétravail. En effet, ils sont souvent très qualifiés, jeunes, autonomes dans leur mission. De plus, l’étude intervient dans un secteur d’activité “acculturé” au télétravail où il est fréquent de manager par les résultats.La crise sanitaire a révélé des risques émergents en situation de télétravail et notamment l’isolement et les conséquences négatives sur le collectif de travail. Les process de recrutement effectués à distance et l’intégration des jeunes salariés se sont alors parfois avérés difficiles.
Partant du postulat que le travail à distance diminue la collaboration et la formation des travailleurs plus jeunes, cette étude s’est donc intéressée aux capacités d’adaptation et de collaboration en situation de travail à distance. Quels sont les effets potentiels de la “distance” ou de la “proximité” au sein du collectif de travail pour le développement des compétences et la productivité ?
L’étude révèle que la distance entre les membres de l’équipe est un frein à la transmission du savoir (développement des compétences des plus jeunes grâce aux plus expérimentés). La distance réduit la collaboration. Il est donc difficile de faire collaborer des équipes hybrides. Il serait donc pertinent d’utiliser les temps collectifs où les équipes sont localisées au même endroit pour former les plus juniors et transmettre les informations nécessaires à la performance de l’équipe.
Dans un monde de plus en plus numérique, comment le fait d’être assis près de ses collègues influe-t-il sur la collaboration, la formation en cours d’emploi et la production ?
Le contrôle est un des premiers effets déjà observé autrefois dans les open-space. Tout le monde surveille tout le monde. A la façon d’un panoptique, une forme d’auto-contrôle se développe. Les salariés se surveillent entre eux, stigmatisant ceux qui ne se conforment pas aux règles ou aux normes du groupe. Ceci peut être un facteur de productivité.
La proximité permet aussi une spontanéité des échanges qui facilitent la collaboration, la formation et la transmission d’informations.
Si le fait d’être assis auprès de ses collègues, ce « pouvoir de la proximité » augmente les capacités des plus jeunes travailleurs, est-il possible de mettre en place des stratégies pour garantir une bonne productivité en télétravail ?
Il s’agit d’oublier la distance et de considérer que le collectif de travail doit collaborer malgré une éventuelle dispersion. Il est intéressant d’organiser des temps collectifs (à distance ou de préférence en présentiel) afin de partager les bonnes pratiques, d’évoquer d’éventuelles difficultés rencontrées sur les missions et d’échanger des informations. Le management par objectifs (fixation d’objectifs SMART, reporting, évaluation) permet de piloter les équipes à distance. Cela suppose de respecter le triptyque “autonomie délégation confiance”. Le respect des rythmes individuels est également un facteur de succès de pilotage d’équipes à distance.
Si l’on ne trouve pas de solution, risque-t-on de voir la productivité décliner du simple fait du changement des pratiques et de la perte de cette proximité bénéfique ?
Pas nécessaire, certaines professions travaillent traditionnellement à distance et en réseau. Les difficultés éventuelles à distance dépendent de deux éléments : la typologie des télétravailleurs (profession, âge, lieu d’habitation, niveau d’études) et la capacité des managers à lâcher prise, à ne pas reproduire un contrôle déviant facilité par les technologies.
Source : Atlantico