Comment la course à l’IA va faire exploser la demande en data centers…et les émissions carbone
Ils sont au centre de l’attention des entreprises de la tech. Essentiels au développement de l’intelligence artificielle, les data centers font l’objet depuis quelques mois de milliards de dollars d’investissement. Mais leur déploiement exponentiel pourrait considérablement peser sur la consommation énergétique mondiale.
80 milliards de dollars. C’est la somme que Microsoft prévoit de dépenser en 2025 pour développer ses data centers, dont plus de la moitié aux Etats-Unis. Avec cet investissement colossal, le géant de la tech explique, dans un article de blog, vouloir construire des centres de données principalement dédiés à l’entrainement de modèles d’intelligence artificielle (IA) générative, capables de répondre à des requêtes sous forme de texte, d’image ou encore de vidéo.
Une opération clé pour Microsoft, qui, comme l’ensemble de ses concurrents, mise sur le déploiement à grande échelle de ces infrastructures afin de remporter la course à l’IA. Pour les entreprises de la tech, la question des data centers est en effet devenue centrale. Alors que les modèles d’intelligence artificielle se complexifient et que leur utilisation se généralise, la puissance de calcul nécessaire augmente elle aussi. “Le besoin de calcul informatique pour l’IA a été multiplié par un million en six ans et il décuple chaque année”, détaillait en mai 2024 Sundar Pichai, le directeur général de Google.
Explosion de la consommation énergétique
Globalement, la demande en data centers devrait ainsi augmenter de 20% par an d’ici à 2030, évalue le cabinet McKinsey. Résultats : les projets d’infrastructures, toujours plus puissantes et efficaces, se multiplient. En septembre 2024, Amazon annonçait investir plusieurs dizaines de milliards de dollars, en partie aux Etats-Unis et en Europe dans le but de renforcer son offre de services “cloud”, essentiels au développement de l’IA. Quelques jours plus tard, selon des informations partagées par Bloomberg, OpenAI, la maison-mère de ChatGPT, aurait soutenu auprès de la Maison Blanche l’implantation sur le territoire américain de centres de données ultra puissants, équivalents à cinq réacteurs nucléaires.
Mais le coût de ces ambitions n’est pas seulement financier. Dans un rapport publié en novembre 2024, le cabinet Deloitte estime que l’IA pourrait représenter 68% de la consommation énergétique des data centers d’ici 2050, contre 11% actuellement. Selon les conclusions de l’étude, les centres de données pourraient alors voir leurs besoins en électricité multipliés par trois durant la prochaine décennie : si la consommation énergétique des data centers représentait 380 térawattheures (TWh) en 2023, elle pourrait atteindre 1000 TWh en 2030 et jusqu’à plus de 3 500 TWh en 2050, dans un “scénario de forte adoption” de l’IA.
"Un tiers des émissions de la France"
Les data centers représenteraient alors 3% de la consommation électrique mondiale. Une croissance exponentielle qui n’est pas sans impact sur l’empreinte environnementale du secteur. D’ores et déjà, les géants de la tech observent une explosion de leurs émissions de CO2. Celles de Microsoft ont par exemple bondi de 30% depuis 2020. Pour expliquer ce phénomène, la multinationale pointe notamment, dans son rapport de développement durable, “la construction de nouveaux centres de données”. De son côté, Google constate une augmentation de 48% de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2019.
Et la tendance devrait se poursuivre sur le long terme pour l’ensemble des acteurs. D’après Deloitte, les émissions associées aux centres de données pourraient atteindre 235 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2030 et ne devraient commencer à décroître qu’à partir de 2036. “Pour mettre cela en perspective, cela représente 2,4% du budget carbone restant pour rester sous les 1,5°C de réchauffement ou un tiers des émissions de la France”, note dans une publication LinkedIn Théo Alves Da Costa, co-président de Data for good.
Un enjeu majeur pour les entreprises misant sur l’intelligence artificielle, qui affichent, dans le même temps, des objectifs ambitieux en termes de neutralité carbone. “Bien que l’IA et les technologies associées aient le potentiel d’accélérer la transition vers des économies neutres pour le climat, la croissance de la demande en électricité des centres de données risque de contrecarrer ces gains et de retarder la transition énergétique si elle n’est pas gérée de manière appropriée”, alertent les auteurs du rapport. ■
Source : Novethic