Prospective : coup de projecteur sur 3 scenarii possibles pour le futur de l’immobilier tertiaire
Afin de concevoir plusieurs pistes d’évolution possibles dans l’avenir des immeubles, JLL a conduit un vaste travail de recherche mondial et pluridisciplinaire. Parmi les 80 scenarii élaborés, zoom sur trois d’entre eux : la construction à la demande devenant le nouveau standard, la généralisation d’un immobilier frugal et le mouvement vers une société récré-active.
Comment nos nouvelles façons de vivre, de travailler, de consommer et d’investir peuvent-elles changer nos modèles de société ? Quelles implications pour le secteur immobilier ? Comment investisseurs et occupants peuvent-ils anticiper les changements à venir ? Pour apporter des clés de réponse, JLL a mené une démarche de recherche prospective mondiale et pluridisciplinaire inédite. Le résultat de cette initiative est la création de 80 scénarii sur les futurs possibles de nos sociétés et leur implication sur l’immobilier tertiaire.
Concrètement, la société de conseil en immobilier d’entreprise a exploré les trajectoires potentielles de nos sociétés, de nos villes et de l’immobilier en France et dans le monde, en identifiant tendances majeures et signaux faibles. Pour cette étude menée sur plus d’une année, et accompagnée du studio d’innovation Schoolab, JLL a mobilisé son réseau de chercheurs et sollicité des experts en géopolitique, économie, météorologie, ou encore en intelligence artificielle. JLL a également interrogé 2 300 décideurs immobiliers et dirigeants dans le monde pour appréhender où en étaient les organisations face aux grands sujets de société qui bousculent l’immobilier.
« Les décideurs immobiliers font face aujourd’hui un environnement organisationnel mouvant et déplorent le fait d’être perçus comme un centre de coûts. Ils s’interrogent sur la manière dont la société va évoluer et sur la façon dont le secteur immobilier devra s’adapter. Un décideur sur deux a d’ores et déjà conscience qu’il devra faire preuve de créativité, de capacité d’influence, d’agilité et de résilience pour créer de la valeur demain », souligne Flore Pradère, directrice Recherche Prospective chez JLL.
Zoom sur trois scénarii parmi les 80 élaborés par le cabinet de conseil.
Scénario 1 : la construction à la demande devient le nouveau standard
La révolution du marché de la construction des bâtiments est en marche, portée par l’automatisation, la robotique, les matériaux intelligents, l’impression 3D ou encore la modularité. Ces innovations entraînent des répercussions profondes puisqu’elles favorisent des environnements adaptables avec le recours au BIM* ou aux jumeaux numériques, et permettent de raccourcir les délais de construction. Elles favorisent également l’émergence de nouveaux modèles d’immeubles abordables et durables. Ainsi, 40 % des décideurs immobiliers pensent que les bureaux de demain seront construits grâce à ces nouvelles technologies et aux procédés de préfabrication.
La construction « à la demande » constitue déjà une réalité aujourd’hui avec l’émergence de modèles de construction hors-sol et de montage sur site pour répondre aux questions de coût, de délais ou encore d’accès aux ressources. Parmi les premiers signaux visibles de cette révolution : l’apparition de nouvelles normes de construction, le développement de la modularité et de la préfabrication, le recours aux matériaux intelligents, le déploiement d’espaces à usages multiples, des attentes de société en faveur d’une nouvelle offre de logements qualitative à prix abordable. Cette transition soulève des questions cruciales et offre des opportunités inédites pour l’immobilier, allant de la refonte des normes et schémas de construction à l’invention de nouveaux cycles de vie plus durables pour le bâti, en passant par l’accélération de la production d’immeubles abordables et reconfigurables.
« La construction “à la demande” n’est clairement plus une vision futuriste, c’est déjà la réalité. La modularité et la préfabrication sont les piliers d’une nouvelle ère dans la construction, alliant efficacité, rapidité et adaptabilité. Et cette révolution technique du bâtiment, c’est d’abord et avant tout une révolution technologique. L’IA va jouer un rôle clé dans l’avènement de nos bâtiments de demain », commente Arnaud Bouzinac, directeur du développement de JLL Spark.
Scénario 2 : l’immobilier frugal, nouveau modèle de développement et de pérennité
Dans un contexte d’instabilité économique et financière, de ressources contraintes et autres impératifs de durabilité, le secteur immobilier est amené à faire face à des transformations profondes : innovation raisonnée, circularité et recyclage des matériaux, ainsi que le concept de chronotopie**. La prise en compte de ces transformations pourrait entraîner la définition d’un nouveau modèle dont l’agilité, la résilience, l’efficacité et la durabilité des bâtiments seraient les piliers essentiels. À l’heure actuelle, six des dix limites planétaires ont déjà été dépassées : plastique et chimique, perte de biodiversité, dégradation des habitats, changements dans les ressources en eau douce, et pollution.
La raréfaction des ressources, les difficultés de financement, la hausse des coûts de production et les pressions sociétales et financières soulignent la nécessité de revoir ses stratégies de développement. Les premières implications immobilières se traduisent par une réflexion sur la durée de vie des immeubles, l’adoption de solutions low-tech, le développement d’un immobilier adaptable et une attention particulière portée à l’intensité d’usage.
« La transition vers un développement véritablement durable de nos bâtiments exige une refonte complète de nos stratégies économiques, en plaçant la résilience écologique au cœur de nos décisions. Nos pratiques immobilières et industrielles doivent évoluer pour prendre en compte les contraintes de ressources et l’impact de nos techniques et de nos usages, et nous bâtir un nouveau référentiel commun qui réponde aux critères de résilience climatique du bâtiment », avance Jean-Philippe Buti, directeur Performance Environnementale & Digitale chez JLL.
Scénario 3 : Vers une société récré-active
Ces dernières années, le changement de rapport au travail s’est traduit par une importance accrue accordée à la qualité de vie, au bien-être et aux soins. Une tendance à une intégration plus forte des différentes sphères de la vie qui devrait encore s’accentuer grâce à l’automatisation partielle du travail. Ce faisant, les immeubles multifonctionnels opérant 24h/24, 7j/7 deviennent des axes majeurs de développement. Pour preuve, 37 % des décideurs déclarent qu’ils envisagent de proposer d’ici 2030, des bureaux satellites près des lieux de vie des salariés afin de faciliter leur équilibre vie professionnelle/vie personnelle.
Cette évolution est d’ores et déjà perceptible à travers l’émergence de la « ville du quart d’heure ». D’un point de vue immobilier, cela se traduit par une stratégie de localisation axée sur la qualité de la desserte, des lieux en phase avec les nouveaux besoins des villes, et l’intégration des espaces de services et de soin : 45 % des décideurs se donnent pour priorité à 5 ans d’avoir des bureaux générant un impact social positif sur l’écosystème local. L’avènement de la société récré-active implique de repenser le sens du travail et du bureau en tant que lieux d’activité, de définir les financeurs des villes et des infrastructures, de repenser le rôle des employeurs, et de s’atteler à la question des espaces vacants.
« Le scénario d’une meilleure articulation entre les temps de vie professionnels et privés pose la question de la mixité des usages des bâtiments tertiaires. En pratique, les décideurs peuvent faire le choix de partager leurs bureaux avec de nouvelles parties prenantes, de façon tarifiée ou gracieuse, doublant l’approche économique d’une dimension sociale. Parmi les options plébiscitées, on retrouve l’accueil de startups, ou bien de salariés œuvrant dans le cadre d’engagements citoyens », souligne Déborah Leclercq, directrice Expérience Strategy and Change Management chez JLL.
Bien que le futur comporte une dose d’imprévisibilité, ces axes explorés trouvent déjà des amorces dès aujourd’hui. L’ensemble de la chaîne de valeur de l’immobilier peut ainsi se projeter dans les opportunités et les risques inhérents aux différents scenarii, afin de s’y préparer au mieux.
* BIM (Building Information Modeling), système de modélisation du bâti à travers des maquettes 3D.
** La chronotopie est un concept qui désigne l’organisation spatio-temporelle du travail. Elle se réfère à la pratique de l’aménagement des espaces de travail en fonction des différents temps et activités professionnelles. Ce concept vise à optimiser l’utilisation des espaces en les adaptant aux rythmes et aux besoins changeants des collaborateurs tout au long de la journée ou de la semaine.
Source : Republik Workplace