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Propreté en entreprise, nouvel enjeu RH

Après le covid et le déploiement du télétravail, il a fallu offrir un cadre sécurisant et confortable pour faire revenir les salariés dans les bureaux. Dans les entreprises, les collaborateurs réclament plus que jamais un environnement de travail propre et sain. Ceci est d’autant plus vrai qu’avec le développement de l’open space et du flex office, les postes de travail sont partagés. Des études montrent que la propreté des locaux, couplée à une bonne qualité de l’air, a un impact sur la santé, mais aussi sur le bien-être et la performance des salariés. Au cœur de cet enjeu : les sociétés de propreté, conscientes du rôle qu’elles ont à jouer. Elles s’emparent de cette question au travers de passages plus réguliers et adaptés dans les locaux, de l’utilisation de produits d’entretien plus vertueux et d’une aération des bureaux. Et communiquent davantage sur ce nettoyage.

S’il y a bien un secteur qui a été fortement sollicité pendant la pandémie de covid, c’est bien celui du nettoyage. Les entreprises ont dû mettre en place des protocoles sanitaires répondant à des contraintes réglementaires. Il a fallu nettoyer et désinfecter pour éviter la propagation des virus. Pour les employeurs, il s’est parfois agi un enjeu pour faire revenir des salariés dans les locaux après des semaines de télétravail. Pour un Français sur deux, le niveau d’exigence de propreté et d’hygiène a augmenté après la crise sanitaire, selon une étude BVA-Monde de la Propreté de janvier 2023.

Dans les lieux de travail, la propreté est le premier critère d’attention, devant l’odeur et le niveau sonore selon la même étude. C’est aujourd’hui, pour les collaborateurs, une attente forte. Ainsi, selon une étude réalisée en 2021 par Ipsos pour le groupe Onet, spécialisé dans le nettoyage, 98 % des Français interrogés considèrent que l’hygiène et la propreté participent au bien-être en entreprise. Or, selon l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé, le bien-être fait partie intégrante de la santé.

Selon une étude Ipsos de 2021, 98 % des Français interrogés considèrent que l’hygiène et la propreté participent au bien-être en entreprise.

Cette importance accordée à la propreté est aussi liée au développement des open spaces. En 2019, en France, 3,2 millions de salariés, soit deux employés de bureau sur cinq, travaillaient dans ces espaces de travail collectif sans cloison, totalement ouverts, d’après les données du ministère du Travail. Et le déploiement des flex office, ou “bureaux dynamiques”, qui consistent à partager ou à mutualiser les postes de travail, nécessite un nettoyage plus approfondi. “Nous n’effectuons plus un simple dépoussiérage de bureaux avec une désinfection hebdomadaire, désormais nous demandons que les postes de travail soient désinfectés tous les jours pour une question d’hygiène et de santé. Pendant l’épidémie de covid, c’était même trois fois par jour”, indique Séverine Pilverdier, présidente de l’Idet, association qui regroupe les directeurs de l’environnement de travail et donc les donneurs d’ordre.

Le nettoyage au cœur de la vie de bureau

Pour cette professionnelle, elle-même directrice de l’environnement de travail et de l’immobilier chez BNP Paribas Real Estate, la protection de l’individu était déjà prise en compte, mais la grande différence, depuis la pandémie, réside dans la communication. “Avant, le ménage n’était pas un sujet clé de communication, il était fait le matin ou le soir. Désormais, les grands groupes font part de la façon dont est fait le nettoyage dans les locaux et de sa fréquence. Ce besoin de transparence et d’information, demandées par nos collaborateurs, est pris en compte. C’est une manière de leur dire : ‘nous mettons en œuvre les moyens que vous vous sentiez bien’. Aujourd’hui, c’est un argument pour attirer, rassurer et fidéliser les salariés”, pointe Séverine Pilverdier.

Ce que confirme Magali Bousquet, directrice marketing et communication du groupe Onet. Longtemps invisibilisé, le nettoyage n’est plus caché. “[Faire passer les équipes de] propreté en journée permet de décloisonner les mondes. Rendre visibles la présence et le travail de nos agents permet de créer un vrai sentiment de réassurance chez nos clients et apporte du sens au travail de nos équipes”, souligne-t-elle. Onet a réalisé différentes études avec Ipsos qui rendent tangible cette évolution. Résultat : 92 % des salariés interrogés estiment qu’avoir un bureau propre et bien rangé participe à leur performance – un chiffre en augmentation de 7 points par rapport à la précédente étude datant de 2018. Pour 95 % des sondés, cette propreté contribue à les motiver. “Le nettoyage n’est plus vu comme une simple ligne de commodité mais comme un élément fondamental de bien-être et de performance des salariés, et donc comme un achat stratégique”, analyse Magali Bousquet.

Désormais, les grands groupes font part de la façon dont est fait le nettoyage dans les locaux et de sa fréquence. C’est un argument pour attirer, rassurer et fidéliser les salariés.

Dans cette optique, un nouveau modèle d’intervention est recherché, notamment par les grands groupes : la propreté à l’usage, qui vise à s’approcher au plus près des besoins réels des utilisateurs. Le but est d’être “au bon endroit, au bon moment”. La pertinence l’emporte sur l’exhaustivité. “J’ai mis en place ce maintien de la propreté tout au long de la journée pour l’un de mes clients, le plus important. J’ai une trentaine de personnes qui assurent le nettoyage de ses 12 000 mètres carrés de bureau le matin et le soir, mais en journée, j’ai aussi deux personnes présentes pour laver les salles entre deux réunions, parer aux incidents comme le gobelet tombé sur la moquette. Ce sont des prestations différenciantes pour nous, avec une plus grande valeur ajoutée. Ce niveau de service demande de bien connaître son client et ses attentes. Il faut aussi savoir être discret quand nécessaire. Nous formons nos agents à ces exigences”, explique Bruno Troadec, président d’Awen Propreté et Services, société de nettoyage de 120 salariés.

Mais ces deux professionnels de la propreté reconnaissent aussi que les entreprises n’adhèrent pas encore toutes à ce discours et ne font pas toujours le lien entre la propreté et la performance ou la motivation de leurs salariés. “C’est culturel, et le prix de la prestation reste bien souvent le premier critère”, souligne Bruno Troadec. “On a parfois du mal à faire valoir à leur juste valeur les prestations de propreté auprès de certains clients, car ils ont aussi leurs contraintes”, renchérit Magali Bousquet.

Qualité de l’air, une donnée à prendre en compte

Autre élément désormais pris en compte : la qualité de l’air. Des bureaux mal aérés et poussiéreux favorisent l’apparition et la concentration d’allergènes et de polluants. Selon l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, missionné par les pouvoirs publics, la qualité de l’air intérieur dans les bureaux est un véritable enjeu de santé publique. Une mauvaise qualité d’environnement (air, niveau sonore) peut être à l’origine d’une détérioration de la santé (irritations, asthme, allergies, maux de tête, somnolence…), mais également d’une diminution du bien-être. À ces enjeux sanitaires s’ajoutent des enjeux économiques, car il y a des conséquences en matière d’absentéisme, de baisse de concentration et de productivité des salariés.

Des scientifiques de Harvard ont démontré que la qualité de l’air dans un bureau peut avoir un impact significatif sur les capacités cognitives des employés, y compris sur la concentration.

Des scientifiques de Harvard ont en effet démontré que la qualité de l’air dans un bureau peut avoir un impact significatif sur les capacités cognitives des employés, y compris sur la concentration. L’étude, publiée en 2021 dans la revue scientifique ‘Environmental Research Letters’, montre que l’augmentation, même faible, du niveau de particules fines ou de dioxyde de carbone (CO2) dans la pièce où ils travaillent amène les salariés à être plus lents, mais aussi à se tromper.

Sur ce sujet, la France a encore du chemin à faire. “Notre dernière campagne nationale dans les immeubles de bureaux, effectuée entre 2013 et 2017, a montré que, dans un tiers des bureaux, les valeurs guides sur certains composés organiques volatils, comme le benzène et le formaldéhyde sont dépassées, ce qui peut avoir des effets néfastes sur la santé des occupants. Mais la particularité de ces locaux, c’est que 8 sur 10 sont équipés de système de ventilation type VMC [ventilation mécanique contrôlée, ndlr], ce qui abat le niveau de pollution. Encore faut-il qu’il soit bien dimensionné et correctement maintenu”, souligne Driss Samri, pilote de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, pour qui “une voie d’amélioration reste possible dans les bureaux”.

Au-delà des systèmes de ventilation, d’autres leviers sont à activer, cette fois, du côté des entreprises de nettoyage. “Nous ne sommes pas forcément sollicités sur cette question mais, pour ma part, j’en fais un argument. Mon cahier des charges comprend l’aération systématique des locaux. Elle fait partie intégrante de la prestation. Et puis, pour limiter les risques professionnels pour nos collaborateurs ou pour nos clients, nous utilisons des produits d’entretien avec un écolabel, sans parfum de synthèse et avec une composition simple. Nous utilisons aussi des aspirateurs équipés de filtre HEPA [High-Efficiency Particulate Air’, ndlr]. Ces mesures permettent de ne pas rejeter de particules fines”, illustre Bruno Troadec. Reste que la qualité de l’air est très rarement mesurée dans les bureaux et qu’aucune réglementation n’impose des niveaux maximums de polluants (voir encadré).

Émilie Vales

Les obligations de l’employeur en matière d’hygiène

Le Code du travail est clair : l’employeur doit assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés. Il a donc des obligations à respecter en matière d’hygiène et de qualité de l’air. Les locaux doivent, tout d’abord, être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé du personnel, dit la loi. Le Code du travail impose aussi, selon l’article R4228-1, à l’employeur de mettre “à la disposition des travailleurs les moyens d’assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d’aisances et, le cas échéant, des douches”. Le texte précise même qu’il faut au moins un cabinet d’aisances et un urinoir pour 20 hommes et deux cabinets pour 20 femmes. En revanche, l’employeur est tenu à ce que le nettoyage et la désinfection des cabinets d’aisances et des urinoirs soit réalisé au moins une fois par jour.

Concernant la qualité de l’air, l’employeur doit veiller à ce que les locaux respectent les normes d’aération et d’assainissement. Le Code du travail stipule que “dans les locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, l’air [doit être] renouvelé de façon à maintenir un état de pureté de l’atmosphère propre à préserver la santé des travailleurs” et qu’il faut “éviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations”. L’entreprise doit donc être équipée d’une ventilation, naturelle ou mécanique, de façon permanente, avec des débits minimaux d’air à atteindre (25 mètres cubes d’air neuf par heure et par occupant).

Les établissements recevant du public sensible, comme les crèches, les établissements d’enseignement ou de formation professionnelle, sont, eux, soumis à un encadrement plus strict qui cible certains polluants spécifiques (formaldéhyde, benzène et CO2). Dans les entreprises, le médecin du travail et le comité social et économique, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent être sollicités sur ces questions d’hygiène.

Des objets connectés pour améliorer la propreté

De l’exploitation de données numériques à l’utilisation des objets connectés, les entreprises de la propreté font aussi appel aux nouvelles technologies. Ainsi, Onet propose à ses clients d’installer des capteurs connectés pour améliorer la qualité du service. “Ces capteurs peuvent mesurer les passages, le taux d’utilisation des différents espaces ou encore la satisfaction des collaborateurs. Ces données d’usage permettent de déterminer les plans d’intervention de nos agents, mais aussi de gérer les aléas du quotidien. L’ensemble permet de se concentrer là où c’est le plus nécessaire. Couplé à la propreté en journée, c’est le modèle de propreté de demain”, explique Magali Bousquet, directrice marketing et communication du groupe. Ce système, baptisé CleanConnect, peut se paramétrer en fonction des demandes du client. Toutes les informations sont traitées par des algorithmes et retranscrites sur les smartphones utilisés par les agents.

Véritables outils d’aide à la décision, ces capteurs permettent d’anticiper les usages ou de mettre en œuvre une maintenance prédictive. Cette optimisation permet aussi aux entreprises de propreté de réduire leurs coûts. “Notre entreprise commercialise des distributeurs connectés de consommables comme du savon ou du papier. Nous avons aussi des poubelles connectées qui indiquent le niveau de remplissage. Ces moyens fournissent des informations afin d’objectiver la qualité de la prestation. Nous nous sommes aussi rendu compte que ce système améliorait la relation entre l’entreprise de propreté et son client. Il permet de gérer les cas critiques avant les insatisfactions”, détaille Thierry Launois, directeur général de JVD, fabricant d’équipements d’hygiène. D’autres capteurs permettent aussi de mesurer la qualité de l’air, avec des données sur la température, l’humidité ou la concentration de CO2. “Mais le monde de la propreté est assez en retard sur tous ces objets connectés, notamment si l’on compare avec le secteur de la sécurité, qui s’est emparé très vite de ces outils, notamment pour la surveillance. L’usage de ces capteurs reste finalement très limité dans notre domaine, c’est encore une niche. Pourtant, il s’avère très utile”, se désole Thierry Launois.

– 16 000 entreprises et 600 000 salariés (65 % de femmes) dans le secteur de la propreté en 2023.
– Un tiers des salariés se trouve en Ile-de-France (principal pôle économique).
– La branche de la propreté représente 18 MdsE de CA.
– Le tertiaire reste le principal segment de marché. Les bureaux représentent 34 % de l’activité, devant les immeubles, à 30 %, et l’industrie, à 8 %.

Source : Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et services associés