Retour au bureau : quand l’authenticité défie les obligations
De nos jours, la notion même de « bureau » est en pleine redéfinition, et la controverse autour des politiques de retour à celui-ci s’intensifie. Pour les dirigeants, le dilemme est réel : comment rendre attrayant un retour en présentiel pour des employés qui ont été convaincus, pendant et immédiatement après la pandémie, que le travail à distance était tout aussi efficace et représentait une « nouvelle normalité » ?
À l’horizon 2024, 9 employeurs sur 10 envisagent de rappeler leurs collaborateurs au bureau. Interrogés sur les raisons de cette décision, les dirigeants invoquent principalement la collaboration, l’innovation et la culture d’entreprise comme motivations principales pour réintégrer les employés en présentiel, soulignant que le télétravail accélère l’érosion de la culture d’entreprise.
Nous assistons à une sorte de ping-pong politique : d’un extrême en mars 2020 où chacun était obligé à travailler depuis chez soi, à un autre extrême aujourd’hui, avec l’instauration de politiques obligatoires de retour au bureau. La réalité est que ces deux extrêmes ne sont pas optimaux, ni pour les entreprises ni pour leurs employés. La solution se situe quelque part entre les deux, mais il faudra probablement plusieurs années avant de trouver une solution hybride optimale. Dans l’intervalle, comment les dirigeants peuvent-ils convaincre leurs équipes d’un retour à temps plein au bureau ?
L’authenticité et la communication sont essentielles pour les leaders dans notre contexte actuel. Nous devons continuer à expérimenter et à évaluer ce qui convient réellement à tous, sans précipiter notre jugement sur ce qui est « le meilleur », tant que cette période d’expérimentation n’est pas achevée.
Les tables de baby-foot et les petits-déjeuners ne suffisent plus
Même s’il existe des avis et des données divergents quant à l’impact du télétravail sur la productivité et la culture d’entreprise, il est évident que la possibilité de choisir son mode de travail est essentielle pour beaucoup.
Les arguments les plus fréquents des partisans du retour au bureau reposent sur le fait que cet environnement – de bureau – offre un espace structuré favorisant un partage accru des connaissances, une meilleure communication et une productivité augmentée. De plus, la présence physique des employés est perçue comme un vecteur de renforcement des relations professionnelles.
Cependant, énumérer les avantages supposés du travail en présentiel ne suffit pas à convaincre les employés de quitter le confort et la quiétude de leur domicile. Il en faudra beaucoup pour motiver les collaborateurs à se lever à 6h00, à endurer des trajets quotidiens de plusieurs heures (moyenne courante dans les grandes villes) et à ne pas voir leur domicile à la lumière du jour du mois d’octobre à février…
Le défi principal de ce débat à propos du travail en présentiel ou en télétravail réside dans le manque de données. La révolution du télétravail vécue pendant la pandémie est relativement récente. Ce qui signifie que les données actuelles ne sont pas suffisamment probantes pour tirer des conclusions définitives, et il faudra probablement plusieurs années avant que cela ne soit possible. Sans ces données probantes, ceux qui imposent un retour au bureau obligatoire ne disposent pas d’une base solide. Les mêmes dirigeants qui se sont exclamés en Mars 2020 « On peut le faire de la maison ! », aujourd’hui changent leur message en « Ça ne peut être bien fait que du bureau ». Face à une argumentation faible et un manque cruel de données, les employés remettent en question et résistent à ces nouvelles politiques.
Que faire en l’absence de données ? S’appuyer sur l’authenticité pour raconter une histoire engageante
Nous avons désormais compris que le travail à distance est privilégié par bon nombre d’employés. Alors, pourquoi les entreprises insistent-elles pour que leurs collaborateurs reviennent au bureau en affirmant que c’est la meilleure option ?
Est-ce parce que les dirigeants sont « à l’ancienne » et veulent voir les collaborateurs en personne ?
Est-ce à cause de la pression exercée par l’équipe dirigeante ?
Ou est-ce parce qu’ils se sont déjà engagés sur des locations de bureaux, donc autant utiliser l’espace, et le rentabiliser auprès des investisseurs ?
Ce qui manque à de nombreuses politiques de retour au bureau, c’est l’authenticité sous la forme d’un récit marquant, logique, qui révèle une certaine vulnérabilité et qui peut amener les employés à comprendre les objectifs de l’entreprise ainsi que les challenges des dirigeants durant ce changement majeur. Un récit touchant parle d’essais, d’erreurs, de regrets et d’espoirs… Il demande de la patience et de la flexibilité dans la mise en œuvre des nouvelles approches, tout en utilisant les quelques données disponibles pour définir l’avenir du travail.
En l’absence de données, humilité et humanité font foi. Les dirigeants doivent raconter une histoire vraie aux équipes pour établir un lien de confiance et obtenir leur soutien. Quels sont les objectifs de l’entreprise qui nécessitent impérativement le retour au bureau ? Y a-t-il une marge de négociation sur le nombre de jours par semaine où les employés doivent travailler sur site ? Quels sont les risques liés au télétravail à long terme ?
Les dirigeants soutiennent les équipes, mais qui soutient les dirigeants ?
Naviguer un changement peut être lourd, en particulier lorsqu’il s’agit de diriger une équipe. Pour gagner la confiance en tant que responsable, il est crucial d’aligner les paroles aux actions.
Le soutien et la formation pour le développement du leadership se sont accélérés en réponse au besoin croissant pour les managers de naviguer avec agilité parmi les changements et les défis de ces dernières années. Avoir des leaders dotés des compétences adéquates pour guider les équipes et les employés dans un contexte en constante évolution est essentiel au succès.
Les actions que les dirigeants peuvent entreprendre pour mener à bien ce basculement incluent :
– une communication claire de leur vision, en s’appuyant sur des données pour étayer les arguments, dans la mesure du possible,
– l’encouragement d’un dialogue ouvert qui aborde les retours, les suggestions, les questions et les préoccupations des collaborateurs,
– une transparence voire une vulnérabilité parfois, car il est tout à fait acceptable de reconnaître certaines erreurs,
– une préparation à une forme de résistance des équipes, et faire preuve de patience.
Offrir un accompagnement personnalisé aux dirigeants les aidera à définir des objectifs précis, tant pour eux-mêmes que pour l’entreprise. Cette approche renforcera la confiance et stimulera la motivation de leurs équipes, leur permettant de s’adapter efficacement à un environnement en constante évolution.
Le lieu de travail est un espace dynamique où le changement est constant. Entre les avancées technologiques incessantes, l’évolution rapide de l’économie mondiale et l’émergence de nouvelles façons de travailler, s’adapter devient une nécessité absolue. Face à l’avenir du travail et au retour progressif au bureau, une stratégie s’impose : une communication claire, sincère et ancrée dans une vision solide, soutenue par des données probantes et une empathie réelle. C’est cet élément qui sera le pivot essentiel pour une transition réussie.
Retour au bureau credit Depositphotos_Y-Boychenko
Source : Cadre & Dirigeant Magazine